Les enjeux scientifiques et citoyens d’une anthropologie des politiques publiques

Jean-Pierre Olivier de Sardan

Laboratoire d'études et de recherche sur les dynamiques sociales et le développement local (LASDEL), Niamey ; Institut de recherche pour le développement (IRD), Marseille ; École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Paris et Marseille

Table of Contents

De l’anthropologie de développement des années 1980 à l’anthropologie des politiques publiques des années 2010
L’avantage comparatif de l’anthropologie dans l’étude des politiques publiques
Une anthropologie appliquée aux politiques publiques?
Conclusion
Bibliographie

L’anthropologie des politiques publiques dans les pays du Sud, qui est née relativement récemment, disons au début des années 2000, est désormais en pleine expansion, en Europe comme en Afrique, comme en témoigne la multiplication, dans ce domaine, des thèses ou des panels dans les colloques scientifiques. Alors que l’analyse des politiques publiques est un champ disciplinaire traditionnellement lié aux sciences politiques et administratives, avec une large prédominance de travaux portant sur les pays du Nord (à hauts revenus), l’irruption de l’anthropologie dans ce domaine s’est faite paradoxalement par un tout autre chemin, passant par les pays du Sud (à faibles revenus). En effet, l’anthropologie des politiques publiques (ou des actions publiques) est pour l’essentiel issue d’un élargissement progressif de l’anthropologie du développement[1]. Par exemple l’APAD (Association euro-africaine pour l’anthropologie du changement social et du développement), née en 1991, organise son prochain colloque sur le thème « La fabrique de l’action publique dans les pays sous régime d’aide”»[2]. Par exemple, Antropologia pubblica est devenu la revue de la Société italienne d’anthropologie appliquée (autre nom souvent donné à l’anthropologie du développement). Par exemple, les premiers ouvrages d’anthropologie des politiques publiques en Afrique ont été pour l’essentiel produits par des chercheurs travaillant depuis longtemps sur les questions de développement[3].

Nous allons tout d’abord retracer ce chemin, dans la mesure où il définit pour une grande part la spécificité de l’anthropologie des politiques publiques. Nous examinerons ensuite quel est l’avantage comparatif de l’anthropologie dans ce domaine. Et, enfin, nous tenterons, à cette lumière, de renouveler si possible le vieux débat sur les relations entre recherche et action.

Mais il convient tout d’abord de définir ce que nous entendons ici par politique publique ou action publique. Il s’agit de tout dispositif délibéré et organisé de délivrance d’un ou plusieurs biens ou services publics ou collectifs (ou de réforme de cette délivrance). C’est donc une définition large, qui recouvre des notions très proches voire analogues comme “action publique” ou “réforme”, et qui est inter-sécante avec d’autres notions comme “intérêt public” ou “espace public”. En effet les biens et services publics ou collectifs correspondent à ce qu’on pourrait appeler des biens et services perçus comme étant d’intérêt général par leurs producteurs ou leurs destinataires (perceptions qui dépendent donc des contextes historiques et locaux)[4].

Ces dispositifs de délivrance peuvent être mis en œuvre par des acteurs institutionnels très variés. Loin d’être limités à l’Etat (vision classique des politiques publiques), ils englobent aussi les organisations internationales, les collectivités locales, les ONG et le monde associatif, et même parfois le secteur privé, et relèvent donc de modes de gouvernance multiples[5]. Ces dispositifs fonctionnent aussi à des échelles différentes et dans des périmètres à géométrie variable : depuis les politiques supra-nationales jusqu’aux actions locales, en passant par des politiques sectorielles ou des procédures techniques. Mais ils ont tous en commun d’être : (a) délibérés (ce sont des interventions “volontaristes” sur un milieu donné); et (b) organisés (ils impliquent des architectures institutionnelles, des systèmes de normes, des experts, et des formes de planification).

De l’anthropologie de développement des années 1980 à l’anthropologie des politiques publiques des années 2010

La définition fournie ci-dessus des politiques publiques s’applique particulièrement bien aux politiques et aux projets de développement. Ces derniers ne sont en effet rien d’autres que des formes spécifiques de politiques publiques, financées et élaborées le plus souvent de l’extérieur (institutions internationales, agences de développement, ONGs du Nord), mais impliquant dans leur mise en œuvre un recours au moins minimal à des acteurs locaux.

Quand la nouvelle anthropologie du développement s’est constituée à partir des années 80, au moins dans ce qu’on peut appeler le courant euro-africain de “l’imbrication des logiques sociales”, ce fut autour d’un certain nombre de postulats méthodologiques et épistémologiques (Olivier de Sardan 2005): approche non normative; orientation empirique; analyse des dérives; entrée par les groupes stratégiques; équité épistémique; perspective multi-niveaux.

Une approche non normative du développement

Alors que le monde du développement est saturé de jugements de valeurs (ne serait-ce qu’entre les pro – et les anti –), et de débats sur les bienfaits et les méfaits des politiques, des institutions et des projets concernant le développement, nous entendions étudier le développement comme un phénomène social comme un autre, comme un lieu de confrontations de représentations et de pratiques devant être d’abord être décrites plutôt que glorifiées ou condamnées.

Un primat à la recherche empirique

Cette méfiance vis-à-vis des idéologies constituées, de leurs simplifications, de leurs dogmes et de leurs outrances allait donc de pair avec une forte orientation empirique. Le recours à l’enquête nous semblait la seul base solide pour produire des connaissances nouvelles, et donc des interprétations nouvelles, dans une optique proche de la grounded theory (Glaser, Strauss 1973). Comment fonctionnaient de fait les interactions de développement ? L’enquête classique de type ethnographique était indispensable : insertion prolongée et familiarité quotidienne, recueil des perceptions et représentations des acteurs à travers des entretiens libres ou semi-directifs, observations des pratiques in situ, études de cas approfondies, etc.

La mise en évidence des “dérives”

Les projets de développement “sur le papier” et les projets de développement “sur le terrain” ne sont évidemment pas identiques. Le projet tel qu’il figure dans les documents du projet ou à travers son cadre logique subit lors du processus de sa mise en œuvre une “dérive”. La documentation empirique de ces dérives a été un des thèmes constants de l’anthropologie du développement.

Une approche par la pluralité des “groupes stratégiques”

Autour d’un projet de développement se confrontent nécessairement des logiques et intérêts multiples, en fonction des divers groupes stratégiques impliqués dans cette action ou affectés par elle, directement ou indirectement, que ce soit au sein des populations bénéficiaires (qui ne sont jamais homogènes), des personnels du système d’action (agents de terrain, staffs, experts, etc.), ou des acteurs environnants (fonctionnaires, opérateurs économiques, etc.). La résultante de ces confrontations est explicative des dérives, autant sinon plus que les “erreurs” de conception ou les incohérences de mise en œuvre, propres au projet.

Une égalité épistémique pour tous les groupes stratégiques

L’anthropologue peut avoir tendance à privilégier un groupe stratégique dont il se sent proche, idéologiquement, émotionnellement, ou professionnellement, et à négliger, ou même dévaloriser les autres. Documenter autant que possible les pratiques et les représentations de tous les groupes stratégiques concernés, y compris ceux avec lesquels l’anthropologue se sent le moins d’affinité, nous semblait néanmoins nécessaire[6].

La prise en compte de tous les niveaux des politiques de développement

Les penchants “populistes” de l’anthropologie (que ce soit d’un point de vue idéologique ou méthodologique) (Olivier de Sardan 2008) l’amènent souvent à privilégier assez logiquement “studying down”, autrement dit enquêter auprès des destinataires (c’est aussi ce que lui demandent en général les institutions de développement), ou, en tout cas, à se situer à l’interface entre les destinataires et le projet de développement (ce qui est en effet un site stratégique privilégié) (Long 1989). Mais il convient aussi de “studying up” (Nader 1974), du côté du staff des projets et des experts, comme du côté des bureaux à Washington, Genève ou Paris. Enfin il ne faut pas oublier “studying in the middle” (le rôle des personnels d’exécution, comme celui des médiateurs, intermédiaires, et “courtiers”) (Bierschenk et al. 2000 ; Lewis, Mosse 2006).

Ces divers postulats, dont on voit qu’ils sont complémentaires les uns des autres, ont été au cœur de la nouvelle anthropologie du développement. Mais ils fonctionnent tout autant si on les applique plus généralement à l’approche anthropologique des politiques publiques. Il suffit de quelques ajustements terminologiques mineurs : remplacer politique de développement par politique publique, projets de développement par dispositif d’intervention ou de réforme, dérive par écart (implementation gap)[7].

L’avantage comparatif de l’anthropologie dans l’étude des politiques publiques

Bien avant l’arrivée de l’anthropologie dans ce champ pour elle nouveau, diverses perspectives et diverses méthodes permettant de produire des connaissances sur les politiques publiques occupaient depuis longtemps le terrain. La science politique et l’étude de la gestion publique (public management) ont en ce domaine leurs propres traditions de recherche, et leurs corpus de références érudites. Ces traditions et ces corpus ont eux-mêmes beaucoup évolués. Par exemple, l’analyse séquentielle (cycle des politiques publiques : mise sur agenda, formulation, décision, mise en œuvre, et évaluation)[8] a été progressivement supplantée par d’autres approches adoptant une perspective processuelle et dynamique (Sabatier 1992 ; Lemieux 2002) (cf. les trois “courants” – streams – de Kingdon) (Kingdon 1995). Plus récemment une “école française” s’est focalisée sur les “référentiels des politiques publiques” (Muller 2000, 2004), alors que se développait d’un autre côté une analyse des “instruments” des politiques publiques (Lascoumes, Le Galès 2004 ; Halpern et al. 2014). Toute une branche s’est constituée autour des processus de mise en œuvre (implementation studies) (Saetren 2005), avec ses propres revues (cf. Implementation Science).

Que vient faire l’anthropologie dans ce paysage ? Quels sont ses atouts spécifiques ? La réponse la plus évidente, et qui reste selon moi la plus valable, renvoie à sa méthode : c’est en tant que discipline porteuse d’une méthode qualitative rigoureuse d’enquêtes in situ que l’anthropologie est incontournable (Olivier de Sardan 2008).

L’enquête intensive de terrain de type anthropologique (mais qui est pratiquée désormais par des chercheurs d’autres disciplines, entre autres issus de science politique) a en effet deux avantages majeurs dans le paysage des politiques publiques (et ceci reste vrai pour le sous-ensemble des politiques de développement): (a) elle constitue un rappel à la réalité des pratiques face aux langues de bois institutionnelles; (b) elle permet une mise en contexte de la mise en œuvre des politiques publiques face aux abstractions et illusions quantitativistes.

Un rappel à la réalité des pratiques

Le langage des politiques publiques, que ce soit celui des hommes politiques au pouvoir ou celui des techniciens en charge de celles-ci, est largement verrouillé face à tout ce qui peut apparaitre comme une contestation. Or toute enquête qui met en évidence des effets inattendus ou pervers, des incohérences, des dérives ou des stratégies de contournement est perçue par ces acteurs comme une mise en cause de leur travail, de leur statut ou de leur institution.

Ceci est particulièrement vrai en Afrique, mais se retrouve bien sûr partout, en Italie comme en Allemagne.

Le monde des politiques publiques est un monde où règne très largement l’auto-censure. Elle ne se manifeste pas seulement par des usages généralisés de diverses langues de bois (celle des politiciens comme celle des technocrates ou celle des opérateurs de développement), mais aussi par les outils mêmes auxquels il est fait appel pour produire des connaissances opérationnelles sur ces politiques pendant leur mise en œuvre : le rapportage administratif et les consultations[9]. Cette situation produit un recours généralisé au double langage : d’un côté, le langage public, celui des conférences, des rencontres officielles, des rapports, est lisse, contrôlé, expurgé, euphémisé, (auto)censuré. De l’autre côté, le langage privé, entre amis, hors présence de la hiérarchie ou des bailleurs de fonds, est plus libre, décontracté, réaliste, critique. Le premier masque une réalité que le second dévoile.

Or, l’anthropologie, par son recours à des entretiens individuels libres et par l’établissement d’une relation aussi confiante que possible avec les interlocuteurs (sous condition de savoir-faire du chercheur), en contextes naturels (à la différence du contexte artificiel des questionnaires), produit justement du langage privé. C’est une des ses grandes spécificités. Les recherches anthropologiques menées par exemple sur la petite corruption quotidienne (Blundo, Olivier de Sardan 2000), en utilisant l’entretien confidentiel, ont permis de décrire avec précision les registres, procédures et codes des échanges corruptifs, à peu près totalement absents du registre public, y compris lorsque celui-ci prend une forme de dénonciation rhétorique [10].

Une autre spécificité est le recours à l’observation, par une présence si possible prolongée sur les sites, comme par l’usage de procédures ad hoc. C’est aussi un moyen puissant d’aller au-delà des discours convenus ou d’auto-légitimation, en mettant en évidence les pratiques, souvent fort éloignées des discours. Une étude menée par le LASDEL au Niger sur les “pratiques familiales essentielles” (Hamani 2013) a montré que les contextes locaux rendaient presque impossible l’allaitement maternel exclusif, promu à grands frais par l’UNICEF. Pourtant, un bureau d’étude, procédant par questionnaires, avait trouvé des taux de soi-disant allaitement maternel exclusif de plus de 90%. En observant ce qui se passait dans les ménages, il est facile de démentir ces chiffres records, dus au souci des villageois d’apparaître comme de “bons élèves” et ainsi d’obtenir que de futurs projets viennent s’implanter dans le village.

Cette combinaison méthodologique entre usage du registre du langage privé et usage de l’observation des pratiques permet d’apporter des connaissances indispensables pour toute compréhension de la mise en forme et de la mise en œuvre des politiques publiques, qu’aucune autre procédure d’enquête ne peut apporter, en particulier pas les techniques quantitatives basées sur des questionnaires.

La mise en œuvre des politiques publiques : largement une question de contexte

Dans le monde des politiques publiques, tant pour les justifier ou les légitimer que pour les évaluer, la culture quantitativiste prévaut très largement, et représente de fait une idéologie politico-scientifique dominante. Elle se focalise pour l’essentiel sur les résultats (outputs) et les impacts (outcomes) – en ignorant donc les processus d’implementation –, et sur la base presque exclusive de statistiques issues de systèmes de rapportage et de questionnaires ad hoc [11]. L’évaluation des résultats concerne ainsi les activités réalisées – sans prise en compte de la qualité de celles-ci – et les effets mesurés – en fonction d’une batterie d’indicateurs quantitatifs concentrés sur les effets attendus et ignorant les effets inattendus. Le cadre logique en est le modèle emblématique[12]. Il faut y ajouter les enquêtes de satisfaction ou de perception (de type sondage d’opinion). Quant aux études d’impact, elles sont de plus en plus monopolisées par les essais randomisés avec groupes de contrôle, très couteux, focalisés sur les effets d’une seule variable indépendante, et eux aussi inattentifs aux effets inattendus.

Il serait absurde de nier toute pertinence aux connaissances ainsi produites. C’est leur hégémonie qui pose problème, car elles n’appréhendent pas toute une partie de la réalité, que seules les méthodes qualitatives peuvent documenter, dans la mesure où seules celles-ci travaillent en situations naturelles, dans les contextes quotidiens, face aux interactions routinières. Pour cette raison, elles seules peuvent appréhender les contradictions, les ambiguïtés et les ambivalences des modalités réelles, toujours contextuelles, de la mise en forme et de la mise en œuvre des politiques publiques. D’où la nécessité impérieuse des méthodes mixte. Une analyse par méthodes mixtes (qualitatif/quantitatif) des politiques d’exemption de paiement dans les centres de santé pour les enfants de moins de cinq ans, menée au Sahel (Ridde, Olivier de Sardan 2014) a ainsi montré que, à côté de l’augmentation de la fréquentation des centres de santé (effet attendu, facilement mesurable), une baisse de la qualité (effet inattendu, non mesuré) s’était produite en raison du non-paiement des dettes de l’Etat aux centres de santé, d’une part, et de la non adhésion de la plupart des personnels de santé à cette politique, d’autre part.

Bien évidemment, l’anthropologie n’est pas seule à user d’une approche qualitative. Une partie des chercheurs en science politiques qui ont travaillé sur les politiques publiques, ou plus spécifiquement sur la mise en œuvre (implementation), se sont désolidarisés du “tout quantitatif” et ont également utilisé d’autres sources (entretiens, presse). Mais l’anthropologie apporte au courant qualitativiste une plus-value empirique, à nos yeux incontestable, par la spécificité de son travail de terrain.

Une anthropologie appliquée aux politiques publiques?

Les politiques publiques constituent un domaine de connaissances où il est difficile d’échapper à la question de l’influence de ces connaissances sur ces politiques elles-mêmes, que ce soit en raison d’une demande ou d’une pression venant des producteurs de ces politiques, ou que ce soit en raisons d’options personnelles du chercheur lui-même en tant que citoyen (objectifs réformateurs ou contestataires, par exemple). Cette question était d’ailleurs au cœur de la socio-anthropologie du développement (oscillant entre anthropologie fondamentale du développement et anthropologie appliquée au développement). Nous allons donc tenter de reconsidérer le vieux problème du rapport entre recherche et action à la lumière des politiques publiques.

Une triple problématisation

Les producteurs et les gestionnaires de politiques publiques sont bien sûr confrontés à des problèmes au sujet desquels ils demandent parfois aux chercheurs de mener des recherches. Autrement dit, une partie importante des travaux de la socio-anthropologie des politiques publiques correspond à des “commandes” (qui fournissent les financements indispensables) pour élucider des problèmes d’élaboration, de mise en œuvre ou d’évaluation des politiques publiques. La problématisation initiale est donc l’œuvre d’administrateurs, de techniciens et d’experts.

Mais ces problèmes de politiques publiques doivent désormais être transformés en problèmes de recherche pour être traités dans le registre de l’enquête. Problématisés initialement dans une perspective de décideurs en tant que demandes de “données probantes”[13] en vue d’actions éventuelles, ils doivent désormais être re-problématisés en tant que questions de recherche susceptibles de produire des connaissances nouvelles. Cette problématisation-là est une compétence de chercheurs.

Enfin, les résultats obtenus – un mélange de données et d’interprétations – doivent être à leur tour traduits dans le système de sens et d’action des décideurs, et font donc l’objet d’une nouvelle re-problématisation en sens inverse, en tant que données pertinentes pour une élaborer ou modifier une politique publiques. C’est là que se pose une question de compétence. Les responsables de politiques publiques se sentent rarement compétents pour transformer des connaissances en actions, et demandent souvent aux chercheurs – qui ne le sont pas plus – de le faire à leur place. C’est en quelque sorte le “chainon manquant” (Olivier de Sardan 2004) des relations entre chercheurs et opérateurs des politiques publiques.

On pourrait évidemment, pour penser ce processus d’allers-retours, recourir plutôt à la métaphore de la “traduction”, largement utilisée par Callon et Latour, et par beaucoup d’autres après eux, pour exprimer certaines modalités de passages entre le monde de la science et le monde social environnant. La métaphore de la traduction a d’ailleurs déjà été appliquée à propos des politiques de développement ou des politiques publiques (Lewis, Mosse 2006 ; Le Meur 2011). Sa polysémie, son extensivité, et son usage parfois excessivement rhétorique me font néanmoins préférer l’expression plus ciblée de (re)problématisation, avec ce qu’elle implique de (ré)élaboration et de production d’un nouveau questionnement dans un nouveau cadre de pensée.

De quelques effets de la recherche

En influant (ou plus exactement en tentant d’influer) sur les politiques publiques, les anthropologues jouent un rôle “citoyen” qui va au-delà de leur cœur de métier (produire des connaissances plausibles). Ce rôle citoyen varie évidemment selon les relations que le chercheur entretient avec le domaine sur lequel intervient une politique publique, comme avec cette politique elle-même. Dans la mise en débat ou en application de ses résultats, il peut adopter un rôle dénonciateur, un rôle de plaidoyer, ou un rôle réformateur, quand bien-même il se serait efforcé pendant le processus d’enquête d’être le moins normatif possible (ce qui est souhaitable en termes de rigueur d’enquête).

Mais son rôle varie aussi en fonction de la position de sa recherche par rapport aux étapes des politiques publiques : en amont, lors de la mise sur agenda, puis lors de la mise en forme, pendant la mise en œuvre, et enfin en aval, pour une évaluation ex-post.

Effets d’alerte (la mise sur agenda)

La recherche socio-anthropologique peut avoir un “effet d’alerte”, en travaillant sur des “problèmes négligés des politiques publiques”, autrement dit en contribuant, par des enquêtes sur des phénomènes peu connus ou peu discutés dans l’arène politique, à la mise sur agenda de nouveaux problèmes, susceptibles d’être traités ultérieurement par des politiques publiques qui restent à élaborer. Le travail se situe donc en amont de toute politique, et vise à faire émerger un débat documenté débouchant sur une nouvelle politique publique. En menant des enquêtes sur les interruptions volontaires de grossesse au Niger, le LASDEL a brisé en quelque sorte le black-out régnant sur ce sujet dans ce pays. Les avortements sont en effet interdits au Niger et l’idéologie islamique dominante les condamne. Pourtant c’est une cause importante de mortalité, et donc un problème bien réel de santé publique[14].

Effets de diagnostic (la mise en forme)

Dans le meilleur des cas, une politique publique devrait incorporer, dans sa mise en forme (sa stratégie, ses cibles, ses procédures, son dispositif d’intervention, son plan de communication, etc…) des éléments tenant compte des connaissances apportées par une enquête anthropologique sur le contexte, sur le milieu d’intervention, sur les acteurs du dispositif d’intervention et leurs cultures professionnelles, ou sur des interventions précédentes ou similaires. Certes, le meilleur des cas est bien rare, voir exceptionnel. Mais la règle du jeu est de “faire comme si…”, et de garder au moins un peu d’espoir…

Le Haut-commissariat à la modernisation de l’Etat, structure dépendant au Niger du Premier Ministre, a ainsi demandé au LASDEL de mener une recherche sur les comportements des agents de l’Etat (ce que nous avons re-problématisé en termes de culture professionnelle et de “comportements non observants”), afin de s’en inspirer pour mener des actions de réforme des pratiques des fonctionnaires et d’amélioration du service public[15]. Toutefois la mise en forme de telles réformes ne dépend pas de cette structure, et suppose une volonté politique forte capable de lutter contre des routines et des privilèges largement enracinés dans l’administration. On peut émettre quelques doutes sur cette volonté. Mais sait-on jamais…

Effets de feed-back (l’implementation)

C’est la mise en œuvre d’une politique publique qui devient alors l’objet central de la recherche. Le jeu des logiques des divers groupes d’acteurs concernés comme les écarts et effets imprévus sont des thèmes d’enquête particulièrement riches. Mais c’est aussi en termes d’action que l’implementation est une étape stratégique, car les analyses produites par l’anthropologie peuvent avoir un effet de feed-back positif, et permettre à l’intervention de se réorienter pour tenir compte des dérives qu’elle subit et que lui révèle la recherche.

Cependant, un dispositif d’intervention n’est en général guère disposé à se modifier en fonction des logiques des acteurs, étant lui-même programmé pour faire prévaloir la sienne. La règle dominante est en effet que les populations-cibles comme les agents de l’Etat doivent s’adapter à une politique publique, et non qu’une politique publique s’adapte aux populations et aux agents de l‘Etat, etc. Une politique publique est évaluée sur l’efficacité de son “mécanisme” (cf. infra), et selon ses résultats par rapport à ses objectifs de départ. Elle ne l’est pas sur sa capacité à transformer ses objectifs en cours de route. Mais il y a de rares exceptions. Dans les années 1970, une société publique de développement au Sénégal a mis en œuvre un programme de promotion de la culture attelée. Les paysans bénéficiaient de crédits pour acheter des charrues et des bœufs tracteurs. Mais une enquête qualitative (Yung 1985) a montré que, en fait, les bénéficiaires allaient vendre les charrues de l’autre côté de la frontière à des forgerons, qui les transformaient en outils et instruments aratoires manuels, et que, d’autre part, ils achetaient non pas des bœufs mais des vaches, afin d’élever des veaux pour la viande. Ce qui est exceptionnel dans ce cas, c’est que la société de développement, au lieu de faire plus de formation auprès des paysans, ou de mettre des policiers pour bloquer la frontière, et des agents de l’élevage pour contrôler le sexe des bovins, a décidé au contraire de développer un programme d’embouche afin d’aider les paysans à élever des veaux. Bien peu d’agences publiques ou d’agences de développement sont capable de ce type d’adaptation.

Effets d’autopsie (l’évaluation ex post)

L’évaluation ex-post est un exercice régulièrement prévu dans le monde des politiques publiques, mais moins pratiqué qu’on pourrait le croire (et qui reste souvent dans un registre économique voire comptable). Le fait de tenir compte d’évaluations ex-post dans l’élaboration de nouvelles interventions est encore plus rare, ce qui explique sans doute pour une part la répétition régulière des mêmes erreurs dans les politiques de développement. Certes il existe des recherches de type anthropologique faites après le “décès” d’un projet (souvent en s’appuyant sur des données recueillies pendant la “vie” du projet) qui ont alimenté des débats scientifiques et intellectuels fournis (Ferguson 1990, Mosse 2005). Mais elles sont peu susceptibles d’effets significatifs sur la pratique des politiques publiques.

La réception des recherches

Il faut admettre que les travaux d’anthropologie des politiques publiques sont parfois trop ésotériques, et toujours trop longs pour des décideurs. Mais même avec un langage accessible et en multipliant les notes de synthèse (policy briefs), l’accueil que ces derniers font à nos travaux est loin d’être toujours enthousiaste. Autrement dit, ce n’est pas seulement une question de communication (domaine dans lequel les anthropologues ont pour la plupart de gros efforts à faire).

Au-delà de divers malentendus, trois points importants ressortent de notre expérience : le clivage entre conservateurs et réformateurs ; les difficultés à élaborer des politiques publiques partant de la réalité ; les effets pervers de la dépendance à l’aide.

Conservateurs et réformateurs

Bien évidemment, les acteurs qui élaborent ou mettent en œuvre les politiques publiques ne constituent pas une catégorie homogène, quelle que soit leur institution d’appartenance, et même s’ils évoluent dans un cadre politico-économique relativement contraignant (comme le néo-libéralisme pour la plupart). Certains s’accommodent de la situation actuelle, certains en tirent avantages et privilèges, tandis que d’autres souhaitent la changer, et veulent améliorer la qualité des services délivrés ou l’équité dans les politiques publiques. La réaction des cadres et responsables face aux résultats des recherches en anthropologie de la santé est en fait bien souvent un indicateur du clivage classique, mais néanmoins toujours pertinent, entre conservateurs et réformateurs. Au Niger, les diverses recherches du LASDEL ont été ignorées ou décriées, parfois calomniées, par les conservateurs, au nom de divers arguments: « ce n’est pas scientifique, parce non basé sur des enquêtes quantitatives et des statistiques »; « vous salissez l’image du fonctionnaire nigérien » ; « en révélant certains problèmes, vous allez faire faire stopper l’aide extérieure »[16]. Inversement, les réformateurs diffusaient nos textes, pour appuyer leur plaidoyer ou leur action en faveur de réformes, etc.

Les mécanismes ou les contextes?

Un autre problème, particulièrement récurrent dans le domaine des agences internationales promouvant les politiques de développement, est la priorité accordée aux modèles standardisés (blue print models), de type “one size fits all”, et autres “interventions à haut facteur d’impact”. La complexité des réalités locales que mettent en évidence les études anthropologiques ne rentre pas dans les cadres de pensée de ces agences comme des données de base, incontournables et qui devraient être au centre de l’élaboration de toute politique publique. Elles sont au contraire à la recherche de “modèles voyageurs” (travelling models) [17] dont le cœur repose sur un “mécanisme” régulateur, supposé être doté d’efficacité intrinsèque, au-delà des contextes particuliers. Un mécanisme, dans cette acception, est une variable indépendante, une chaine causale, une “clé”, un “projectile magique” - magic bullet [18]. Chaque mécanisme doit être nouveau (car les précédents n’ont pas eu le succès espéré) et s’être révélé efficace dans certains situations, érigées en success story. Autrement dit, une success story est décomposée en deux ensembles distincts : le contexte d’occurrence, spécifique, et le mécanisme, à vocation universelle, qui doit permettre des changements positifs de comportements partout où il sera mis en œuvre. Une fois le mécanisme ainsi produit par les experts d’une agence internationale, il faut désormais l’“habiller” (packages, normes, consultants, formations, manuels, etc.) afin de l’exporter dans des contextes différents. Notre expérience de recherche nous a confronté à d’innombrables mécanismes importés en Afrique de l’Ouest comme ailleurs, d’ambitions très variables, depuis des procédures techniques standardisées (diffusion du partogramme dans les maternités ; promotion de l’allaitement maternel exclusif) (Olivier de Sardan, Bako Arifari 2011 ; Hamani 2013) jusqu’à des politiques à spectre large (exemptions de paiement des soins de santé pour les enfants de moins de 5 ans ; paiement des agents de santé basés sur la performance[19] ; transferts monétaires – cash transfers –en direction des familles les plus vulnérables[20]). Dans tous les cas les stratégies de contournement par les acteurs concernés et les effets inattendus étaient très importantes, exprimant en quelque sorte une "revanche" des contextes, etc.

Les grandes institutions de développement fonctionnent, au moins dans leur logique dominante (il y a d’autres logiques, y compris en leur sein), comme si chaque mécanisme qu’elles promeuvent était efficace disons à 80% et que le contexte lui-même valait pour 20% (la marge d’adaptation aux particularités locales). Mais notre expérience nous incite au contraire à estimer que le contexte compte pour disons 80% dans la réussite ou l’échec d’un programme, et le mécanisme pour 20%, etc.

La recherche anthropologique sur les politiques publiques est donc très secondaire dans l’optique des modèles standardisés (tout au plus peut-elle permettre une meilleure adaptation aux contextes). Par contre, inversement, elle peut fournir une certaine base pour des politiques alternatives non standardisées, multi-variables, sensibles aux contextes, élaborées “de l’intérieur” à partir d’une connaissance fine du pays et des réalités locales (et non à partir de bureaux spécialisés en “mécanismes”, à Washington, Paris ou Genève). Mais un tel renversement de perspective implique des capacités locales d’innovations au sein des services publics.

L’aide contre l’innovation?

Or, la dépendance des pays africains envers la “rente du développement”, le fait qu’ils soient placés “sous régime d’aide” (Lavigne Delville 2010) est un facteur qui freine et parfois bloque l’innovation interne en matière de politiques publiques. Du côté des Etats, des pans entiers de la délivrance de services sont délégués aux institutions internationales (comme l’aide humanitaire), et d’autres sont sous haute perfusion extérieure (comme la santé, où l’essentiel des réformes et des innovations vient des organisations internationales et des ONG). L’impulsion de nouvelles politiques publiques est très rarement d’origine interne. L’ambition de la majorité des fonctionnaires est d’être recrutés par des agences de développement (ce qui implique en général l’intériorisation par eux de la logique des “mécanismes” et des modèles voyageurs). Bien peu tentent d’améliorer le fonctionnement des services ou de promouvoir des réformes des politiques publiques en partant de la réalité quotidienne. Mais ces “exceptions admirables” existent : les repérer et les documenter constitue dès lors une tâche prioritaire sur l’agenda de l’anthropologie des politiques publiques.

Conclusion

L’anthropologie des politiques publiques, par son histoire (issue de la socio-anthropologie du développement au Sud) et par son ouverture sur d’autres champs disciplinaires (dialogue avec la sociologie des organisations et l’analyse des politiques publiques au Nord) permet de nouveaux types de dialogues Nord-Sud et Sud-Nord, débarrassés de l’exaspérante opposition Eux-Nous, et opérant dans un registre de comparatisme “égalitaire” (un même phénomène analysé dans deux contextes très différents – Nord et Sud – avec des outils conceptuels identiques). C’est aussi une façon de dépasser la vieille distinction entre sociologie (pour le Nord) et anthropologie (pour le Sud). C’est aussi pour cette raison (et pour reconnaître notre dette envers l’école de Chicago en sociologie) que nous utilisons fréquemment les expressions de “socio-anthropologie du développement” et de “socio-anthropologie des politiques publiques”.

De même que l’anthropologie des politiques publiques en Afrique s’est largement inspirée de travaux effectués au Nord par d’autres disciplines (en premier lieu Lipsky avec les street-level bureaucrats ; Pressman et Wildawski avec l’implementation gap) (Lipsky 1980 ; Pressman, Wildavsky 1973), de même, pensons-nous, l’analyse des politiques publiques au Nord pourrait en retour bénéficier d’analyses développées à partir de contextes africains[21], que ce soit les postulats méthodologiques et épistémologiques hérités de l’anthropologie du développement évoqués ci-dessus, ou que ce soit divers “concepts issus du terrain” (grounded concepts), tels que les “courtiers en développement” (Blundo 1995 ; Bierschenk et al. 2000), les “normes pratiques” (Olivier de Sardan 2015), l’“empilement” (piling up) des politiques (Bierschenk, Olivier de Sardan 1998), les “redevabilités informelles” (Blundo 2015), les institutions “de l’entre deux” (twilight institutions) (Lund 2006), et quelques autres.

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[1] Au moins en Europe et en Afrique. Aux Etats-Unis la situation est quelque peu différente, comme en témoigne l’étrange polémique autour de l’appellation “public anthropology” et de ses liens – ou non – avec une pré-existante “applied anthropology” (Singer 2000).

[2] http://www.association-apad.org (sito internet consultato in data 14/09/2015).

[3] Winter 2001; Blundo, Le Meur 2009 ; Le Meur 2011 ; Bierschenk, Olivier de Sardan 2015 ; Ridde, Olivier de Sardan 2015.

[4] Nous sommes donc loin des définitions formelles des “biens publics” (non-excludable and non-rivalrous) données par les économistes.

[5] Pour une présentation des modes de gouvernance locaux en Afrique, cf. Olivier de Sardan 2011.

[6] Cf. en particulier l’article de Lavigne Delville (2011) appelant à une anthropologie du développement “symétrique”.

[7] Un des textes fondateurs de cette nouvelle anthropologie du développement (Bierschenk 1988) citait d’ailleurs déjà l’ouvrage de référence (pour l’étude des politiques publiques et de l’implementation gap) de Pressman et Wildawski (1973).

[8] deLeon 1992. Pour notre part, nous distinguons seulement deux grandes étapes, la mise en forme et la mise en œuvre, dans la mesure où elles impliquent chacune des groupes stratégiques différents (Olivier de Sardan, Ridde 2014). On notera que le “cycle des politiques publiques” entretient de nombreuses similitudes avec le “cycle des projets”.

[9] Pour une analyse des fortes limites de ces deux types de production de connaissances opérationnelles au Niger, cf. Olivier de Sardan 2014a. La question des audits externes est plus complexe, car ils mettent parfois en évidence des dysfonctionnements cachés ; mais ils sont la plupart du temps très focalisés sur les questions comptables et gestionnaires.

[10] J’utiliserai ici plusieurs exemples issus de l’expérience collective du LASDEL (www.lasdel.net) que je connais directement. (Sito internet consultato in data 14/09/2015).

[11] Parfois on y associe une sorte de qualitatif low cost fondé seulement sur des focus groups. Dans les contextes africains le contrôle social reste en général très fort dans de tels groupes, et ceux-ci ne peuvent remplacer en aucune façon l’enquête de terrain approfondie et la combinaison entretiens individuels plus, et observations.

[12] Pour une analyse critique du cadre logique, cf. Gasper 2000 ; Giovalucci, Olivier de Sardan 2009.

[13] En général, les données probantes sont perçues comme étant de type quantitatif. La question de leur fonction et de leur usage dans les politiques publiques est évidemment complexe, et la réalité dément le plus souvent le mythe de décisions politiques qui seraient fondées sur la seule vérité scientifique, etc. (cf. Head 2010 ; Deeming 2013).

[14] Etude en cours par Aïssa Diarra. Dans d’autres pays africains des études similaires sont menées sur ce thème (par exemple par Ramatou Ouedraogo, Fatou Ouattara ou Emmanuel Sambieni).

[15] Olivier de Sardan 2014a ; Hamani 201 ; Issaley 2015 ; Moha 2015 ; Elhadji Dagobi 2015.

[16] Cf. Olivier de Sardan 2014b, quant aux réactions à une recherche sur les exemptions de paiement dans la santé.

[17] Selon l’expression de Rottenburg “travelling models” (Rottenburg 2007 ; Behrends et al. 2014).

[18] Le concept de “mécanisme” a été développé en sciences sociales par Hedström et Swedberg (1998), mais dans une perspective différente.

[19] Les techniques du new public management reposent sur des mécanismes qui alimentent de nombreux modèles voyageurs, y compris vers l’Afrique (Mc Court, Minogue 2001). Le “paiement basé sur la performance” (performance based funding) aujourd’hui massivement promu par la Banque mondiale dans le domaine de la santé en est la dernière illustration.

[20] Cf. Olivier de Sardan et al. 2014.

[21] Si nous partageons d’une certaine façon le mot d’ordre de “produire des théories issues du Sud” (Comaroff, Comaroff 2012), notre perspective est par contre très différente (cf. Bierschenk, Olivier de Sardan 2014).